Jusque dans les années soixante, les recherches expérimentales se réalisaient à l’aide tests d’intelligence aléatoires sur des groupes unilingues et bilingues, et certains résultats théorisés et diffusés à une échelle suffisante ont donné le ton aux fausses idées et les a rendues, malgré leur absurdité, tenaces dans les esprits. On aimerait ne pas se souvenir des théories aberrantes du Docteur Édouard Pichon (mort en 1940) qui a été jusqu’à dire que le bilinguisme était calamité pour ceux qui s’en trouvait « affecté » avec une intelligence et même une personnalité réduite de moitié, en gros, que les bilingues étaient des imbéciles. Ce n’est qu’à partir de Peal et Lambert (1962), ayant élaboré des tests différenciés et des facteurs multiples et en particulier grâce à Jean Petit, qu’on allait commencer à se rendre compte des avantages cognitifs nets des enfants bilingues.
Le jeune enfant est doté à la naissance de puissants mécanismes acquisitionnels. Jean Petit, ce professeur et psycholinguiste, passionné par le bi-plurilinguisme précoce a dévoué toute sa vie à sa promotion et à un travail d’expérimentation grâce auquel il a pu démontrer ces mécanismes. Extrait directement du document : « le don des langues s’acquiert« , voici quelques explications impressionnantes qui montrent à quel point on peut sous-estimer les capacités de nos petits :
« Dès l’âge de six mois, les nouveaux-nés sont capables de discriminer toutes les oppositions catégorielles utilisées par les langues de la planète et non pas seulement celles exploitées par la ou les langues parlées dans leur entourage. Ceci revient à dire que les langues du monde puisent, pour construire leurs systèmes phonologiques, dans un stock de capacités discriminatives universelles disponibles à l’âge de 6 mois !
La capacité de segmentation des énoncés : l’apprentissage du langage présuppose la capacité de discerner dans le continuum de la coulée verbale les indices qui en permettent la segmentation en différents éléments (…) Deux minutes d’exposition à une langue naturelle quelconque suffisent à des bébés de 7 à 8 mois pour en détecter les règles de segmentation.
La capacité de filtration et de recomposition : Le jeune apprenant est également capable de repérer dans la langue à apprendre, la langue cible, les unités et les structures les plus fréquentes, les plus fonctionnelles, les plus saillantes et systémiquement les plus cohérentes et de les filtrer dans l’ordre décroissant de conformité à ces critères. Ce processus de filtration a lui aussi de fortes implications statistiques.
Ces mécanismes sont maintenant bien connus sur le plan de l’acquisition lexicale et grammaticale»