Qui n’a pas déjà entendu : « le bilinguisme est une exception, nul besoin de surcharger nos enfants d’une autre langue », ou plus modérément : « Apprendre deux langues en même temps retardera son développement » ; « mieux vaut apprendre correctement une langue, ensuite seulement en ajouter une autre ». D’autres idées reçues concernent la place que doit recevoir la langue mineure et prônent la pratique exclusive de la langue d’accueil aux dépens de “l’autre”, celle de la maison ; ou, le niveau de maîtrise du bilinguisme à savoir que le mélange [1] des deux langues est un signe de perturbation et d’empêchement à l’acquisition d’un « vrai » bilinguisme, lui donnant ainsi une valeur de savoir figé, soutenu et uniforme. On peut avoir un échantillon pertinent des préjugés qui courent dans l’opinion publique sur le site de Barbara Abdelilah-Bauer : www.enfantsbilingues.com.

Affirmer que le bilinguisme est une exception relève de l’ignorance et de la position ethnocentrique des personnes vivant dans les pays de tradition monolingue. Quant à la maîtrise de la langue d’accueil par des enfants qui arrivent de l’étranger, elle trône comme une priorité scolaire et immédiate qui ne souffre l’apport d’aucune autre langue. En France, on a pu lire des incitations officielles [2] telles que : Si ces derniers (les enfants) sont d’origine étrangère elles (les mères) devront s’obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer (…) Difficultés dues à la langue, si la mère de famille n’a pas suivi les recommandations de la phase 1 (…), l’enseignant devra alors en parler aux parents pour qu’au domicile, la seule langue parlée soit le français. Si cela persiste, l’institutrice devra alors passer le relais à un orthophoniste pour que l’enfant récupère immédiatement les moyens d’expression et de langage indispensables à son évolution scolaire et sociale». Comme si cela était une maladie pour laquelle il faut prescrire un programme de soins. Ceci n’est qu’un exemple concret de ce que l’ignorance peut produire comme aberrance et illustre bien la non adéquation de certains gouvernements aux Recommandations de l’Union : « (…) se perfectionner dans leur langue d’origine en tant qu’instrument éducatif et culturel et, par-là, maintenir et améliorer leurs liens avec leur culture d’origine »[3]. Sur cette ligne de conduite, on taxera donc les difficultés initiales de l’enfant à s’approprier sa nouvelle langue de « handicap linguistique », ce, entre autres lié souvent au semi-linguisme. Le semi-linguisme qui signale des compétences langagières insuffisantes dans la langue maternelle ainsi que dans la langue d’accueil, n’est en général qu’un passage vers la maîtrise de la langue majoritaire, mais il est souvent vu comme un blocage dû au bilinguisme. Or, les causes de retard chez certains enfants dans l’acquisition est lié à des critères sociaux, d’intégration, d’affectivité

[1] voir paragraphe : « les parlers hybrides » issu de « qui a peur du ‘parler bilingue’ », annexe 8, L’enfant bilingue, chance ou surcharge? Georges Lüdi

[2] Rapport rédigé en Octobre 2004 «Sur la prévention de la délinquance» remis à M. Dominique de Villepin par le député Monsieur Jacques-Alain Bénisti et la commission de prévention en Octobre 2004 où il est mis en valeur l’existence d’un lien causal entre le bilinguisme précoce et la délinquance! Pour plus de détails vous pouvez consulter l’article que j’ai écris Bilinguisme et Institutionnel : entre bonne volonté et autoritarisme, sur mon blog Enfants bilingues : Constat et propositions.

[3] Recommandation R (82) 18 du Comité des Ministres aux États membres concernant les langues vivantes – Annexe 4 : Extraits de Recommandations sur les langues faisant référence aux migrants.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *